Un dimanche de Février en raquettes à la Croix de l’Alpe

En ce milieu du mois de Février, alors que les beaux jours s’enchaînent et se réchauffent, il est temps de profiter de la neige avant qu’elle ne fonde. Alors que les sommets de Chartreuse perdent de leur blancheur, ce week-end est l’occasion rêvée pour moi de co-encadrer pour la toute première fois un groupe de 9 personnes aux côtés d’Anaïs, encadrante au club.

Le rendez-vous est fixé à 8h près de la gare de Pontcharra. Le soleil n’a pas encore pointé le bout de son nez derrière les imposantes falaises de la Chartreuse et il fait plutôt frais. En attendant le reste du groupe, Anaïs, Loïc et moi essayons de repérer à l’aide d’une carte IGN où se situe notre objectif du jour : la croix de l’Alpe. J’aime me dire que l’on va, dans quelques heures, grimper tout là haut. Ça paraît si loin vu d’ici ! Le ciel est bleu, la journée s’annonce magnifique !

Les participants arrivent alors et, après avoir fait connaissance, c’est l’heure de prendre la route. Le départ de notre randonnée se situe à la Plagne, près du hameau d’Epernay. La route serpente entre les sapins et l’immensité des falaises du Mont Granier nous surplombe, toujours plus impressionnantes à mesure que nous nous élevons. Les parties plus claires de la roche ainsi que les amas de pierres témoignent des éboulements récents de la montagne qui s’effrite toujours un peu plus.L’érosion qui les provoque est principalement causée par des ruissellements d’eau dans les roches qui forment peu à peu des ciselures importantes. Loïc nous apprend alors que la Chartreuse abrite les deux plus importants réseaux souterrains des Alpes françaises.

Le Granier de l’Alpette. Crédits: A. Legras

A près avoir franchi le col du Granier nous pouvons apercevoir les plateaux de la vallée de l’Entremont. Nous empreintons une petite route sur la gauche indiquant le petit village de la Plagne et c’est au bout de celle-ci que se trouve le parking verglacé où nous laissons les véhicules. Il fait très froid, nous sommes encore à l’ombre des sommets. Anaïs et moi distribuons le matériel à chacun : DVA, pelle, sonde, bâtons de marche, paire de raquette. Un petit briefing et quelques explications sur les risques éventuels et nous voilà partis à l’ascension !

Une fois en marche, chacun se libère de son masque. Je ne m’habitue toujours pas au port de ce morceau de tissu qui cache le sourire et les expressions des personnes que je côtoie. Je peux alors découvrir le visage de mes compagnons de marche. C’est comme un retour à la normale.

L’itinéraire débute par une montée assez raide en forêt, de quoi bien se réchauffer ! Déjà, les premiers rayons du soleil se frayent un chemin entre les feuilles des arbres. La neige et les plaques de verglas nous obligent à chausser nos raquettes et, d’un coup, la montée s’avère plus aisée.

Lorsque le col de l’Alpette est enfin atteint, le soleil nous inonde de sa chaleur et une petite pause est la bienvenue. La réserve naturelle des hauts plateaux s’offre à nous, à perte de vue. Un randonneur nous indique la présence de plusieurs bouquetins et chamois dans la face Sud-Ouest du Granier. Sans jumelles je ne parviens pas à les distinguer mais le simple fait de savoir qu’ils sont là, tout près et de les imaginer nous observer me fait sourire.

La présence d’une petite borne de pierre sur laquelle est inscrite une fleur de Lys d’un côté et la croix rouge Savoyarde de l’autre est l’occasion pour Anaïs de nous expliquer leur signification. Le massif de Chartreuse a été soumis, dès le Moyen Age aux luttes entre les comtes de Savoie et les dauphins pour la détermination d’une frontière, matérialisés par ces bornes. C’est la délimitation du Royaume Savoie-Piémont-Sardaigne. Je me dis alors qu’on oublie souvent la dimension historique des territoires de montagne qui présentent pourtant tout un tas de petits indices qui sont visibles à qui prend le temps de s’y attarder …

Nous voilà repartis le long du chemin en direction de la cabane de l’Alpette puis nous nous enfonçons parmi les épicéas. Il fait si chaud que nous enlevons nos couches une à une jusqu’à se retrouver en t-shirt. Ça fait du bien de sentir les rayons du soleil nous réchauffer la peau. Les oiseaux chantent et l’air est si doux que l’on se croirait presque au printemps !

La cabane de l’Alpette. Crédits: A. Legras

Nous sortons de la forêt, il reste une dernière côte avant l’arrivée au sommet. Nous choisissons de suivre l’itinéraire des crêtes et Anaïs me confie pour la première fois l’ouverture de la marche. Je me sent comme doté d’une mission : il faut éviter les congères et les Lapiaz tout en choisissant la trace qui offre le moins de dénivelés (il commence à faire faim!).

L’arrivée à la croix de l’Alpe est spectaculaire et ventée. La chaîne de Belledonne et ses grands pics qui se dressent en face de nous, majestueux. A cette altitude, on voit aussi les grands sommets de Chartreuse : Le grand Manti, Chamechaude, la Pinéa au loin et , tout au fond, les plateaux de la Dent de Crolles. Clou du spectacle, le temps dégagé permet même d’admirer au loin le Mont Blanc.

L’arrivée à la croix de l’Alpe. Crédits: A. Legras

Quelque soit la difficulté de la randonnée, l’arrivée au sommet est toujours aussi satisfaisante et est accompagnée d’un soulagement qui se fait sentir au sein du groupe. C’est aussi cette fierté personnelle que l’on vient chercher en montagne, on se sent puissant et on laisse toutes nos préoccupations quotidiennes aux pieds du col.

Après avoir immortalisé l’instant avec une photo de groupe, nous trouvons un endroit abrité du vent, sous les pins. C’est l’heure du pique nique suivis d’une petite sieste pour certains, au soleil. Les chocards à bec jaune tournoient au-dessus de nos tête et nous bercent de leur cris familiers. Nous accueillons ce moment paisible et calme pour recharger les batteries et se laisser imprégner par l’ambiance si particulière des hauts de Chartreuse.

Le Mont Blanc de la Croix de l’Alpe. Crédits: A. Legras

Il est temps d’entamer la descente, l’heure tourne et nous devons être redescendus à 16h, couvre feu oblige. Le chemin du retour est agréable. Anaïs en profite pour nous parler des arbres qui nous entourent. Elle nous apprend comment reconnaître les pins à crochets et les épicéas, attire notre attention sur les cris des oiseaux. Elle nous parle du casse-noix moucheté, de la grive musicienne, du roitelet huppé. En passant devant un arbre qui présente une dizaine de petit trous sur son tronc, Anaïs nous explique que c’est le pic noir, pour se nourrir, qui en est l’auteur. Elle nous offre une parfaite imitation de son cri si reconnaissable et nous voilà reparti de nouveau.

La descente est précipitée bien que verglacée et nous voilà en peu de temps revenus au parking. Juste le temps de faire le compte du matériel et de remercier tout le monde et nous voilà tous repartis pour rentrer chez nous.

Anaïs, Loïc et moi recomptons le matériel et partageons nos ressentis et remarques autour d’un chocolat chaud maison. J’aime ces moments de débrief, à tête reposée. C’est le visage encore imprégné de la chaleur du soleil et de belles images en tête que je leur souhaite bon retour et remercie Anaïs de m’avoir offert cette opportunité. Les rencontres humaines aussi sont belles en montagne…

Le groupe à la croix de l’Alpe. Crédits: A. Legras

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